...offerte par notre Association au Musée Villa Montebello (Octobre 2020)
Récemment, l'Association des Amis et le musée de Trouville étaient intrigués par une petite peinture à l'huile vendue sur Internet et portant en rouge la signature C. Mozin. Ce tableau de 22 cm x 32 cm évoquait, par son sujet et son traitement, les oeuvres de l'artiste bien que nous connaissions peu d'études dans le genre de celle qui nous était proposée.
La scène représente un couple vu de dos, la femme assise et l'homme à genoux, occupé à réparer une barque. Ce couple est placé au centre de la composition, entouré de bois éparpillés, devant un petit abri sommaire, au pied d'une colline. La scène est située non loin de la mer, que l'on voit sur la droite, et sous un ciel clair traversé pardelégers nuages blancs. Dans le coin gauche du tableau, parmi les planches de bois, trois nasses en vannerie, couchées sur le sol, équilibrent l'ensemble. Tout indique, dans cette oeuvre, l'intérêt de son auteur pour la vie maritime et l'activité des gens de mer.
Le sujet évoque naturellement les nombreuses lithographies que fit Mozin (1806-1862) pendant sa carrière. C'est ainsi que fut retrouvée, dans les collections du musée, une lithographie identique au tableau, publiée dans le recueil Croquis de Marine, 1ère Année (1841-1843) n°10, Imprimerie Formentin et Cie.
Charles Mozin fut un lithographe de renom, formé à l'école des Voyages pittoresques et sachant mettre en valeur coutumes et monuments régionaux. Nous connaissons les nombreux livrets de lithographies que Mozin composa tout au long de sa vie. Le répertoire fut dressé en son temps par Isabelle Collet, conservateur du musée de Trouville2.
De 1824 à 1855, Mozin publia seul 15 recueils contenant chacun plusieurs lithographies et il participa à d'autres livraisons composées par différents auteurs. La grande majorité de ses lithographies ont pour thème des sujets maritimes. Il céda également à la tradition en représentant les Ports de France, en hommage au peintre Joseph Vernet (1714-1789). On ne doit pas oublier que les recueils de lithographies publiés à cette époque servaient également, aux jeunes peintres, de carnets d'études pour apprendre le dessin.
Mozin, à plusieurs reprises, a volontairement réalisé des lithographies de ses peintures, qu'il s'agisse de tableaux présentés à l'exposition du Salon à Parisou de peintures moins officielles. En serait-il de même pour cette étude ? Le tableau et la gravure présentent quelques différences mineures, liées certainement à la particularité des techniques, huile ou gravure.
La signature de la peinture, C.Mozin, nous paraissait plus grossière que les signatures habituelles de l'artiste. Elle est davantage conforme à celle, plus ronde, que Mozin réservait à ses gravures.
Les signatures de Mozin ne sont pas toutes identiques. Il signait ses oeuvres Ch. ou C. Mozin, généralement en noir, avec une écriture fine et inclinée le plus souvent vers la droite. Quelques oeuvres cependant sont signées en rouge, comme c'est le cas pour cette peinture.
Il était évident que nous ne pouvions pas prendre de décision, pour l'acquisition de cette peinture, sans la voir. C'est ainsi que nous sommes partis, Karl Laurent et moi-même, à Paris, inspecter l'objet. Nous n'avons pas été déçus.
Le cadre d'époque (35x 45 cm) en bon état général, a cependant été redoré sans soin avec une dorure moderne. Le support de toile de la peinture est d'époque ainsi que le châssis en bois. La toile présente, au dos, des pièces qui cachent d'anciens accrocs ou déchirures ainsi que, sur la surface peinte, des craquelures dont il faudra surveiller l'évolution.
Un nettoyage ancien a été exécuté grossièrement pour redonner de l'éclat aux couleurs.
Le ciel clair est traité avec légèreté et les nuages, qui le traversent en oblique, introduisent une ligne dynamique, parallèle à la ligne formée par les planches sur le sol, la pente de la colline et du toit. Ces obliques animent la partie centrale, plus frontale et statique. Quelques empâtements apparaissent dans le ciel ou sur le linge posé sur la barrière. Ces empâtements, discrets dans les oeuvres de Mozin, sont cependant présents sur des peintures de moyen format (pour exemple : Vue de la côte de Grâce à Honfleur, peinture conservée par le Musée Eugène Boudin de Honfleur) ou sur de petites esquisses, malheureusement trop rares. Nous trouvons ainsi dans cette oeuvre des points de ressemblance avec certaines compositions plus importantes de l'artiste.
Une restauration serait peut-être souhaitable dans l'avenir pour consolider les faiblesses du support et de la couche picturale et permettre la remise enlumière des zones «encrassées », à l'image des deux barques posées sur le sol, devant le couple et à gauche, près du petit appentis.
1. Titre probablement donné par le vendeur.
2. Exposition Charles Mozin. Musée deTrouville et Musée de Honneur. 28Mai- 3 Octobre 1988. p. 19-33.